J’ai été détenu pendant deux ans dans la prison Jacques Cartier de Rennes entre le 3 août 1970 et le 3 août 1972.



Ma famille était témoin de Jéhovah et les jeunes adeptes refusaient le service militaire. Au moment de ma condamnation la peine encourue était de trois ans mais au cours de ma détention elle a été ramenée à deux ans. Le paradoxe, c’est que pendant cette période , mes nombreuses lectures m’ont éloigné de cette organisation sectaire que j’ai quitté après ma sortie. J’ai été affecté au poste de relieur, ce qui me permettait d’être seul en cellule et de pouvoir circuler dans l’enceinte de la prison. J’ai réalisé quelques dessins de mon espace étroit, tel qu’il était à l’époque, ainsi que quelques portraits d’autres détenus que je croisais. Libres comme moi de circuler, ils venaient poser pendant quelques minutes.



J’ai le souvenir de nombreuses anecdotes de la vie pénitentiaire de cette époque, dont les échanges avec les gardiens, qui souvent étaient plutôt cordiaux. Au cours des rondes à partir de 19h, quand l’œil d’un surveillant apparaissait dans le judas de la porte, alors que je dessinait ou peignait dans ma cellule, l’un d’eux, artiste amateur, ouvrait la porte et venait parler quelques instants avec moi.



L’infirmière m’avait demandé de faire le portrait de sa fille à partir d’une photo. Elle me faisait cadeau régulièrement de café moulu, ce qui changeait de l’orge grillée distribuée le matin. J’échangeais parfois des dessins avec des gardiens qui achetaient pour moi à l’extérieur des livres de philosophie ou de poésie.