Colloque Femmes et Justice – Parlement de Bretagne.

LES FEMMES SONT-ELLES ÉGALES AUX HOMMES DEVANT LA JUSTICE ?

Un traitement judiciaire différent entre femmes et hommes ? Lætitia Brunin (Magistrate, adjointe à la direction de la statistique et des études au ministère de la Justice).

Lætitia Brunin a notamment exercé les fonctions de juge d’instruction dans le Nord de la France et de juge des libertés et de la détention au TGI de Nanterre. Depuis 2014, elle est adjointe à la sous-directrice de la statistique et des études du ministère de la justice.

En 2014, moins d’un délinquant sur cinq traité par la justice est une femme. Proportionnée à la gravité des faits et à la personnalité de l’auteur, la réponse de l’institution judiciaire donne la priorité aux me- sures alternatives aux poursuites décidées pour plus de la moitié des femmes tandis qu’un peu plus d’un tiers des hommes en font l’objet.

Quand elles sont poursuivies et condamnées les femmes bénéficient de sanctions moins lourdes que les hommes.

Au-delà de la nature des infractions, la moindre complexité des affaires impliquant des femmes et surtout un taux d’antécédents pénaux deux fois moins élevé que les condamnés hommes expliquent en grande partie les différences sur les condamnations. Ces éléments sont aussi des facteurs explicatifs des écarts observés dans la réponse pénale.

Présumées coupables : les femmes sont-elles des criminelles comme les autres ? :

Fanny Bugnon, maîtresse de conférences en Histoire / Études sur le genre à l’Université Rennes 2. Spécialiste de l’histoire des femmes et du genre, elle travaille sur l’engagement politique des femmes. Elle interroge également les imaginaires sociaux autour du crime et de l’enfermement. Commissaire de l’exposition Présumées coupables aux Archives nationales à Paris.

Elle a publié : Les « Amazones de la terreur ». Essai sur la violence poli- tique des femmes, de la Fraction armée rouge à Action directe (Payot), tiré de sa thèse, « Prolétaires de tous les pays, qui lave vos chaussettes ? Le genre de l’engagement dans les années 68 (dir. Bantigny et Gallot (PUR) ; Les territoires de la violence politique en France, de la fin de la guerre d’Algérie à nos jours (dir. Isabelle Lacroix, Riveneuve).

Énigme sociale parce que perpétuellement minoritaires tant parmi les accusés qu’au sein de la population pénale générale, les femmes violentes s’inscrivent à rebours de l’économie générale de la déviance et des normes de genre. Loin d’être figés, les dispositifs normatifs et la gestion de leur transgression méritent d’être analysés à la lumière du genre. L’histoire et les archives regorgent de figures de femmes criminelles et/ou violentes : sorcières, empoisonneuses, infanticides, pétroleuses et tondues à la Libération… Toutes ces femmes ont été jugées à travers le même filtre : celui de leur sexe. C’est donc un voyage dans le temps des procès faits aux femmes que nous proposons.

 

LES INFANTICIDES, MONSTRES OU VICTIMES ?
Le traitement de l’infanticide néonatal par la justice hier et aujourd’hui.
Les infanticides sont-elles (ils) des monstres ou des victimes ?

Traitements des femmes infanticides. Évolution ? Témoignages : Anne Henry, psychiatre des hôpitaux.
Anne Henry exerce en milieu pénitentiaire à Rennes depuis 14 ans, en tant que chef du service médico-psychologique, puis du pôle de psychiatrie en milieu pénitentiaire. Elle est responsable de l’unité hospitalière spécialement aménagée de Rennes. Experte auprès des tribunaux, et docteur en éthique médicale, elle est l’auteur de nombreux articles de psychiatrie et de deux livres consacrés à l’écrivain Primo Lévi : Entre deuil et suicide, L’écriture de Primo Levi et Shoah et témoignage, Levi face à Améry et Bettelheim.

Anne Henry propose, à partir de son expérience, de témoigner de ses rencontres avec des mères infanticides. Plutôt que parler directement sur des cas cliniques, elle a choisi de se fonder sur le mythe de Médée, tel que le décrit Euripide puis plus près de nous Jean Anouilh, et des descriptions cliniques classiques. Elle s’interrogera sur certaines des raisons qui font que ces femmes, pour certaines atteintes de pathologies psychiatriques graves, sont actuellement lourdement condamnées, alors que d’autres, pour les mêmes faits
et peut-être pour des pathologies moins bruyantes, ont des peines moindres. L’importance des injonc- tions de soins, relativement récentes pour les mères infanticides, sera également évoquée.

Personnalité d’une mère Ondine Millot Journaliste auteur de « Les monstres n’existent pas, Au-delà du fait divers » (les 8 infanticides de Dominique Cottrez). Journaliste indépendante après 16 années à Libération, Ondine Mil- lot est spécialisée dans les faits de société et de justice. Elle est l’auteur d’un documentaire Cormeilles, l’enfance tue (Arte), et de trois livres : Esclavage domestique (photographies de Raphaël Dallaporta, Filigranes), L’amour à mort (Steinkis), Les monstres n’existent pas (Stock). Ce dernier, issu de sa rencontre avec Dominique Cottrez, mère infanticide, est une enquête intime pour remonter aux origines de la violence.

Entre 1989 et 2000, D. Cottrez, mère de famille, aide-soignante, a caché 8 grossesses à son entourage, et tué ses 8 nouveau-nés. À chaque fois, elle a accouché seule, étouffé les bébés, et a gardé leurs corps à côté de son lit. O. Millot rencontre D. Cottrez cinq ans après son arrestation. Une relation se noue, elles se revoient. Sans jamais excuser, la journaliste cherche à comprendre : l’enfance, les épreuves et le che- min qui ont mené aux crimes. Elle interroge la mère infanticide, son mari, ses deux filles adultes, ses proches. Cette enquête au cœur de l’intime nous est contée dans les monstres n’existent pas (Stock, 2018), avec l’espoir qu’elle soit utile pour d’autres femmes, en prévention. Pour O. Millot, seuls existent le silence, la détresse, la violence que l’on reçoit, et que l’on transmet ensuite aux autres.

Le Viol d’Alain Tasma
Le combat de Gisèle Halimi dans l’Affaire Tonglet Castellano,

d’après le livre de Jean-Yves Le Naour et Catherine Valenti Et le viol devint un crime.Téléfilm projeté avec l’aimable autorisation de France 3 et Storia Télévision.

Débat animé par Anne Laure Maduraud, magistrate, membre du Syndicat de la magistrature, cocoordinatrice de rédaction de la revue Délibérée, revue de réflexion critique animée par le Syndicat de la magistrature.

Le viol est le récit du combat féministe autour de l’affaire qui a mené à la loi du 23 décembre 1980 posant une nouvelle définition du viol. Lors des débats parlementaires, une volonté de rupture avec le passé était clairement affichée, pour en finir avec la pratique dite de « correctionnalisation » et pour reconnaître au viol sa véritable qualification criminelle, passible de la Cour d’assises.
Un projet de loi sur la modernisation de la Justice prévoit la création, à titre expérimental, d’un Tribunal criminel appelé à juger les affaires de viol. À ce jour, après le vote de la loi Schiappa sur les violences sexuelles sur mineurs, il est impératif de s’interroger sur la réalité des pratiques judiciaires et des volontés politiques : le viol, un crime ?

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