Portrait d’une condamnée à mort – Hélène Jégado
Hélène Jégado 18 juin 1803-26 février 1852
Hélène Jégado naît le 28 prairial an XI (18 juin 1803) à Plouhinec dans le Morbihan. Cadette choyée d’une modeste famille de cultivateurs, elle est nourrie de légendes de Basse- Bretagne et fascinée par l’Ankou, qui parcourt les villages en ramassant les âmes des morts dans sa charrette. Orpheline de mère à l’âge de 7 ans, elle est confiée à ses tantes qui la placent comme domestique chez le curé de Bubry.
Hélène Jégado sillonne le Morbihan au gré de ses emplois successifs de domestiques puis de cuisinière : près de 20 maisons bourgeoises et presbytères l’emploient en l’espace de 18 ans. À chaque fois, elle est renvoyée ou c’est elle qui quitte précipitamment son employeur , le « malheur » semble poursuivre Hélène Jégado, partout où elle passe, les hôtes trépassent…
Tout commence en 1833. Hélène Jégado a 30 ans. Au presbytère de Guern, elle remplace sa soeur Anna, partie travailler au presbytère de Bubry ; le sort s’acharne alors sur les membres de la maisonnée : sa sœur en visite, le père et la mère du curé, sa nièce de 7 ans, ses deux domestiques et le curé lui-même, décèdent à tour de rôle. Seule survivante, Hélène veille les malades jusqu’à leur dernier souffle. Une autopsie est pratiquée sur le corps de l’abbé Le Drogo mais aucun soupçon ne se porte sur la cuisinière, les décès passent inaperçus à cette époque où sévissent les épidémies, particulièrement le choléra dont les symptômes ressemblent à ceux d’un empoisonnement et personne ne soupçonne Hélène Jégado, femme pieuse et semblant toujours très affectée par la disparition de ses victimes.
En 1848 Hélène Jegado s’installe à Rennes. Elle a déjà à son actif de nombreux crimes impunis mais ne va pas s’arrêter là. Elle est d’abord employée par la famille Rabot. Le petit Albert de 9 ans ne l’aime pas et se plaint souvent de sa mauvaise odeur, il meurt peu après. La mère et la grand- mère tombent gravement malades mais ne meurent pas. Elle est renvoyée, accusée de vol de bouteilles de vin.
Elle est ensuite employée dans une deuxième famille les Ozanne, le garçon de 5 ans meurt peu après son arrivée. Là encore, elle est renvoyée pour vol d’eau de vie et grossièreté mais pas accusée.
Elle trouve alors un travail à « L’auberge de bout du monde » place St Michel mais les clients se plaignent de cette cuisinière, la patronne échappe à un empoisonnement mais une servante, Perrote Macé, décède. Le médecin qui a soigné les victimes est intrigué et demande que soit pratiquée une autopsie, refusée par la famille.
En juillet 1851 elle est employée par l’avocat Bidard de la Noë, professeur à la faculté de droit de Rennes, expert en affaires criminelles. Deux semaines après son arrivée, Rose Texier, la domestique, tombe malade et décède quelques jours plus tard. Françoise Huriaux qui la remplace quitte rapidement la maison après l’apparition des premiers symptômes. L’autre servante, Rosalie Sarrazin sera sa dernière victime. Cette succession de drames éveille la suspicion du maître de maison et des médecins qui se sont succédés au chevet des malades. Une enquête minutieuse est réalisée chez l’avocat et avant même qu’on lui ait demandé quoi que ce soit Hélène Jégado jure qu’elle est innocente.
Les analyses pratiquées après les autopsies par Faustino Malagutti professeur de chimie à la faculté des sciences de Rennes révèlent un empoisonnement à l’arsenic.
Très vite, l’enquête dépasse le cadre rennais, un lien est établi entre les empoisonnements de Rennes et une série de morts violentes ayant eu lieu dans le Morbihan.
Hélène Jégado, La Jégado, est arrêtée, elle est accusée de 5 meurtres, de 5 tentatives d’empoisonnement et d’une dizaine de vols. Les anciens empoisonnements sont prescrits.
Son procès s’ouvre le 6 décembre 1851 aux assises d’Ille et Vilaine mais n’a que peu de retentissement au niveau national du fait du coup d’État de Louis Napoléon Bonaparte le 2 décembre.
C’est un procès sans preuves, sans mobile et l’expertise médicale des décès est encore à cette époque approximative.
Le député Jean Baptiste Baudin, médecin spécialisé dans les maladies de l’estomac, cité à comparaître au procès, trouve la mort sur les barricades du faubourg Saint Antoine le 3 décembre.
Les témoins défilent à la barre pendant 3 jours jusqu’au témoignage de Faustino Malagutti qui confirme la présence d’arsenic dans les corps et fait forte impression.
Maître Magloire Dorange tout jeune avocat de 24 ans, chargé de la défendre, plaide l’irresponsabilité et la folie de l’accusée mais avant tout contre la peine de mort.*
Hélène est… une erreur de la nature ou plutôt un fléau de Dieu.
Il demande sa grâce à Louis Napoléon Bonaparte, elle lui est refusée.
Le 14 décembre 1851 Hélène Jégado est condamnée à mort.
La veille de son exécution elle confesse à l’abbé Tiercelin une partie de ses crimes et le couperet tombe le matin du 26 février 1852 à 7 heures, place du Champ-de-Mars, devant une foule immense.
Un masque mortuaire est réalisé, son corps est ensuite autopsié à la recherche d’une probable bosse du crime et ses restes déposés dans une fosse commune.
L’histoire de La Jégado a inspiré quantité de biographies, estampes, dessins, complaintes, documentaires, romans et un film Fleur de Tonnerre inspiré du roman de Jean Teulé.